Il y a quelques semaines, une scène choquante s’est déroulée à Kountia, en périphérie de Conakry. Aminata Sylla, une jeune femme qui accompagnait sa mère chez un guérisseur traditionnel, s’est retrouvée plongée dans une véritable descente aux enfers. Accusée publiquement de sorcellerie par le marabout, elle a subi des sévices en pleine rue, sous les yeux d’une foule restée passive. Des accusations que rejettent le guérisseur.
Aminata Sylla, vendeuse d’attiéké derrière la cour du siège du parti PADES à Nongo Contéyah, dans la commune de Lambanyi, revient sur cette mésaventure bouleversante.
« Je suis venue pour ma mère, qui est malade. Mais après ses rituels, il m’a désignée du doigt en disant que j’étais une sorcière. Quand j’ai nié, il a appelé des hommes pour m’encercler, et des filles ont commencé à me frapper avec des bâtons », témoigne-t-elle, encore sous le choc.
Selon ses dires, le guérisseur l’aurait contrainte à avouer publiquement sa culpabilité, menaçant de ne pas la libérer tant qu’elle ne reconnaîtrait pas « la vérité ».
En plus des violences physiques, Aminata affirme avoir été exposée à un gaz inconnu qui l’a plongée dans un état de panique extrême.
« J’ai dit ce qu’il voulait entendre, juste pour que ça s’arrête. Depuis ce jour, ma vie est bouleversée. Je ne sors plus, j’ai perdu mon emploi, et tout le monde me montre du doigt », confie-t-elle, la voix brisée.
Des images de cette scène d’humiliation ont été filmées et largement relayées sur les réseaux sociaux, amplifiant le traumatisme de la jeune femme. Elle demande aujourd’hui le retrait de ces vidéos et appelle à une intervention des autorités.
La version du guérisseur : Karamo Sarata rejette les accusations
Pour recueillir la version du mis en cause, notre rédaction s’est rendue ce vendredi 27 juin 2025 chez le guérisseur. Connu sous le nom de Karamo Sarata, Seydouba Camara, âgé d’une trentaine d’années et installé à Kountia, livre sa part de vérité.
« La femme en question est venue ici pour une consultation, qui coûte 50 000 francs guinéens. À son arrivée, elle est tombée subitement, mais c’était au moment de la prière. À notre retour, elle s’exprimait seule. Je me suis approché d’elle, nous avons échangé, et elle a fini par m’avouer qu’elle était sorcière. Elle disait voir sa mère dans un miroir, qu’elle avait rendue folle, et reconnaissait avoir nui à plusieurs membres de sa famille », a-t-il expliqué.
D’après le guérisseur, la patiente aurait ensuite insisté pour être soignée.
« Je lui ai dit que je ne pouvais pas aider quelqu’un qui ment. Je lui ai donc demandé de revenir avec sa mère. Depuis, elle n’est jamais revenue. Et c’est à la télévision que j’ai appris ses accusations. Elle ment même en affirmant qu’elle était venue avec sa mère, alors qu’elle était seule. Tout ça, c’est de la manipulation pure et simple », a-t-il affirmé.
Sur les accusations de torture, Karamo Sarata balaie les allégations.
« S’il y avait eu des violences, il y aurait des preuves. Moi, je travaille dehors, devant tout le monde. Si quelque chose s’était passé, les gens l’auraient vu ou filmé », a-t-il dit.
Concernant une éventuelle plainte déposée contre lui, le guérisseur affirme n’avoir reçu aucune notification officielle.
« Je n’ai reçu ni convocation, ni plainte. Et si ça arrive, je répondrai. Mais porter plainte sur la base d’un mensonge, ce n’est pas juste. Moi, je n’ai jamais forcé qui que ce soit à venir ici. Les gens viennent de leur plein gré. S’ils découvrent une vérité qui les dérange, ce n’est pas ma faute. Il y a des dizaines de témoins qui peuvent attester de ce qui se passe ici. Ce n’est pas cette affaire qui va me déstabiliser. Je continue mon travail avec sérénité. Ceux qui me font confiance savent que je suis loin d’être un menteur », a-t-il conclu.
À l’issue de l’entretien, plusieurs patients présents sur les lieux, certains guéris, d’autres venus accompagner des proches, nous ont confié discrètement leur satisfaction du traitement reçu chez Karamo Sarata. Selon eux, son approche spirituelle produit des résultats tangibles. La justice est donc interpellée dans ce dossier.
Affaire à suivre…
Aminata Camara et Lamine Camara