Sa gloire perdue de patron des patrons guinéens du temps de Lansana Conté, Mamadou Sylla croyait l’avoir retrouvée avec son statut plutôt bancal de chef de file de l’opposition avec…quatre députés. Au point qu’il en avait fait un fonds de commerce au lendemain de l’installation, en avril 2020, du nouveau parlement. Après la reconnaissance tardive de son statut par le président de l’Assemblée nationale et le chef de l’Etat, il avait passé des semaines à rendre visite à différentes institutions sans doute pour vendre un trophée qu’il savait quelque peu usurpé. Conscient des lacunes de son statut, il s’était même embarqué dans une grosse opération de charme en direction du président de la République à qui il promettait de jouer à l’opposant docile et soumis. Mais des mois après, se rendant compte de l’inefficacité de la recette, il s’est depuis transformé en critique systématique non pas de la gouvernance, mais du président de la République en personne. Ce qui, au regard du contexte qui prévaut, n’est pas pour lui faciliter les choses. Et coïncidence fâcheuse, c’est le même moment qu’un trio de trublions de députés choisit pour déballer des choses qui n’honorent guère l’ex-Tout-Puissant patron de Futurelec.
Objectif : 500 millions par mois
Mamadou Sylla entendait sans doute jouer sur l’aversion qu’Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo se vouent mutuellement. C’est ainsi que dans ses premières déclarations, il mettait beaucoup l’accent sur son intention de s’opposer « autrement ». Lui n’était pas dans la dynamique des manifestations et autres mots d’ordre de villes mortes auxquels Cellou Dalein Diallo demeure associé. De cette façon, il voulait séduire le locataire de Sekhoutouréya, de manière à pousser ce dernier à l’adouber en tant que chef de file de l’opposition. Et on peut dire que la stratégie a failli payer, car lui et les membres de son cabinet avaient été reçus par le chef de l’Etat. Ils en avaient profité pour remettre à Alpha Condé un mémo et avaient obtenu de lui le droit de rendre visite aux détenus politiques de Coronthie. Jusque-là, c’était le parcours parfait. Mais de tout cet activisme, Mamadou Sylla espérait en réalité quelque chose de très précis : le versement du budget alloué au chef de file de l’opposition. La perspective de la mise à disposition de ce pactole doit même avoir incité des leaders plutôt « intelligents » à s’aligner derrière le leader de l’UDG qui ne passe pourtant pas pour une lumière. Il est vrai qu’avec la perspective de se partager 500 millions GNF par mois, il y a de quoi refréner sa fierté et son amour-propre !
Le désenchantement
Sauf que les choses ne se passent pas comme Mamadou Sylla et ses acolytes l’espéraient. Des mois passent, ils ne voient aucun kopek arrivé. Ils s’impatientent. Au point qu’à un moment, le chef de file se dit qu’il lui faut changer de stratégie. L’approche accommodante n’ayant pas payé, il verse dans les attaques. Alpha Condé dont il voulait être le partenaire devient subitement un monarque qui décide tout. Il dénonce l’inexpérience du président et se gausse de la tendance que celui-ci aurait de tout régenter. Bien que ses complaintes soient systématiquement relayées dans les médias, ces diatribes ne produisent aucun effet. Le budget n’arrive toujours pas. Pire, son nom est même rayé de la liste des personnes devant prendre part aux cérémonies officielles. Ainsi, ce vendredi, il n’est pas de la liste de ceux qui doivent prendre part au cérémonial d’accueil du président congolais, Felix Tshisekedi.
Au-delà de Cellou et Alpha…
A ces difficiles rapports avec le pouvoir en place, viennent s’ajouter ces accusations que l’on a entendues dans le sillage de la sortie de trois députés récemment évincés du groupe parlementaire ‘’Alliance patriotique’’. Des accusations qui dressent de Mamadou Sylla un portrait loin d’être élogieux. Népotisme et une dose de dictature sont en effet les griefs imputés au leader de l’UDG que l’on peut tirer des sorties de Madame Yansané Bintou Touré et de Abdoulaye Kourouma notamment. En effet, d’une part, les députés dont se prévaut Mamadou Sylla pour faire valoir son statut de chef de file de l’opposition seraient tous de sa famille. D’autre part, la gestion du groupe ne dépendrait que des humeurs de M. Sylla ou des supposées injonctions qui viendraient tantôt de Amadou Damaro Camara, tantôt du palais Sekhoutoureya. D’où cette mise en garde de Abdoulaye Kourouma : « Si vous avez échoué dans les affaires, ce n’est pas en politique que vous allez vous enrichir. Il faut faire doucement. La politique a des principes ».
Finalement, en Guinée, les problèmes vont au-delà de Cellou Dalein et de Alpha Condé !
Boubacar Sanso BARRY