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Me MOHAMED TRAORE : « Je pense qu’avec la CRIEF, ça va changer »

C’est probablement la décision du colonel Mamadi Doumbouya qui fait le plus consensus. En effet, aucune critique à l’encontre de la création de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) dont le décret de mise en place a été rendu public hier jeudi. Ainsi, l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats y voit la manifestation la plus tangible des nouvelles autorités en faveur de la moralisation de la vie publique. Me Mohamed Traoré pose juste deux conditions : que les moyens accompagnent la volonté affichée et que le choix des membres de la cour soit judicieusement fait. Si ces deux impératifs sont remplis, il pense même que la CRIEF pourra grandement contribuer à l’avènement du changement dont les Guinéens rêvent tant.  

Que pensez-vous de la création de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) ?

Je pense que c’est une très bonne initiative. Certains diront que sa création n’était pas opportune dès lors qu’il existe d’autres juridictions qui peuvent statuer sur les mêmes infractions. Mais au contraire, moi je pense que la création de cette juridiction est une nécessité dans la mesure où elle sera amenée à statuer sur des infractions à caractère hautement technique quelques fois. C’est pourquoi d’ailleurs, dans un pays comme la France, le Parquet national financier (PNF) est spécialisé et poursuit les infractions à caractère économique et financier. Les juridictions ordinaires ne sont pas souvent suffisamment outillées pour faire face à leurs missions quant à la répression des infractions à caractère économique et financier.

Du point de vue des ressources, a-t-on du personnel pour venir meubler la CRIEF ?

Oui ! On peut trouver son personnel. Il y a beaucoup de jeunes magistrats qui, à mon avis, peuvent très facilement faire face à cette mission-là. Des jeunes qui ont suivi des formations notamment sur des questions financières. Je pense donc que de ce point de vue-là, il n’y a pas assez d’inquiétude à se faire. En plus, l’ordonnance portant création de la CRIEF dit que le procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et financières peut également être assisté de toute personne dont la compétence avérée est nécessaire à l’enquête. Par exemple, si le procureur spécial engage des poursuites, il a la possibilité de faire appel à des agents qui peuvent l’aider sur des questions d’une certaine technicité à voir clair, pour pouvoir atteindre davantage la poursuite.

En termes de temps, sur quelle période la compétence la CRIEF pourrait-elle s’appliquer ?

Je pense que de ce point de vue-là, rien n’est indiqué dans l’ordonnance. C’est pourtant une question quand même qu’on ne peut pas occulter. La CRIEF a été créée pendant une transition. Est-ce qu’elle va survivre à cette transition ? Mais toujours est-il que pendant la période de la transition, la CRIEF fera son travail et rien n’empêche qu’elle puisse continuer à travailler au-delà de la transition. Parce qu’encore une fois, les infractions économiques et financières existent et existeront toujours. Donc, que ce soit avec la transition menée par le CNRD ou que ce soit dans un gouvernement issu d’élections démocratiques, la CRIEF aura toujours son rôle à jouer. Et ce rôle va s’accroître davantage parce qu’encore une fois, il y a assez de dossiers sur lesquels elle pourrait se pencher.

Et donc, vous irez jusqu’à recommander qu’elle soit constitutionnalisée à travers le travail du CNT ?

Je pense qu’on n’a pas besoin forcément de la constitutionnaliser. Je pense simplement que dans le cadre d’une prochaine réorganisation de la justice, pour faire un texte unique, on pourrait tout simplement intégrer l’ordonnance portant création de la CRIEF dans une réforme globale de la justice.

Quelle pourrait être la nature des verdicts que pourrait prononcer la CRIEF ? Est-ce que ça pourrait être des peines de prison ou des mécanismes de remboursement à l’amiable ?

En matière d’infraction financière, il y a bien-sûr des peines d’emprisonnement, des peines d’amende, des condamnations à des restitutions. Mais il y a toujours une place qui est faite à une personne qui, poursuivie par exemple pour détournement de fonds, parvient à rembourser ou restituer les deniers détournés dans un certain délai. Je pense que l’essentiel, ce n’est pas forcément la répression, c’est le fait de pouvoir aussi récupérer ce qui a été détourné. Parce qu’il ne sert à rien de condamner quelqu’un par exemple pour détournement des deniers publics ou pour corruption, si en fin de compte les deniers détournés ne peuvent pas retourner dans le patrimoine de l’État. En ce qui concerne les condamnations, il doit y avoir des sanctions pénales, des peines d’emprisonnement parce que la plupart des infractions qui sont de la compétence de la CRIEF sont prévues par le code pénal. Et les peines y afférentes sont également prévues par le même code pénal. Par exemple, quand vous prenez l’enrichissement illicite, les vols, l’extorsion, l’abus de confiance et l’escroquerie, toutes ces infractions sont prévues par le code pénal et les sanctions correspondantes sont également prévues par le code pénal. Donc, la CRIEF ne saurait que se référer aux dispositions du code pénal en ce qui concerne les infractions pour les peines applicables.

En prévision de la refondation de l’État guinéen, quelle portée pourrait avoir le travail de la CRIEF ?

Je me méfie beaucoup de cette expression de refondation de l’État, parce que je ne sais pas ce que ça veut dire exactement. Tout dépend du contenu qu’on lui donne. Mais en ce qui concerne en tout cas la moralisation de la vie publique, je pense que la CRIEF sera amenée à jouer un rôle assez prépondérant, à condition qu’on lui en donne les moyens. Parce que l’essentiel encore une fois n’est pas de créer une institution. Nous avons connu en Guinée ici des institutions constitutionnelles mais qui malheureusement n’ont pas joué leurs rôles. Et c’est entre autres l’une des raisons qui nous ont conduit à la situation que nous connaissons aujourd’hui. Si la CRIEF est dotée des moyens humains, matériels, logistiques et que ceux qui seront amenés à appartenir à cette juridiction sont motivés et engagés, je pense que ce sera très important pour la moralisation de la vie publique.

Et son travail peut d’une certaine façon participer à la rupture qui est espérée ?

Absolument ! Parce qu’il faut reconnaître que la Guinée s’était habituée à cette sorte d’impunité dont jouissent les bandits à col blanc. Je pense qu’avec la création de la CRIEF, ça va totalement changer.

Aliou Nestarlin 

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