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Vagues de chaleur à Conakry : le DG de la Météorologie explique

Les habitants de Conakry se sont plaints de la chaleur qu’il y a eu ces derniers jours. Coïncidant avec une crise dans la desserte du courant électrique, la vague a été particulièrement ressentie. Pour savoir de quoi il retourne, Ledjely a interrogé le Directeur général de l’Agence nationale de la météorologie (ANM). Confirmant d’une part une hausse de température relevée au mois d’avril de cette année, Dr. René Tato Loua explique d’autre part que la Guinée est bel et bien en proie au phénomène du changement climatique. Il en énumère d’ailleurs quelques manifestations tangibles.

Ledjely.com : Ces derniers jours, les citoyens de Conakry se plaignent particulièrement de la chaleur. Est-ce un phénomène singulier ? Par rapport aux années passées, y a-t-il une évolution qui rendrait cette année particulière ?

Dr. René Tato Loua : Il est clair qu’au cours de ce mois d’avril, les citoyens de Conakry se plaignent de fortes chaleurs. Vous savez parmi les paramètres météorologiques, la température est un bon indicateur pour apprécier la variabilité du climat.

Ce phénomène n’est pas singulier par rapport à toutes les années antérieures, car si nous regardons un peu en arrière, il y a eu des périodes chaudes comme l’année 1998. Et en cours d’année, c’est au mois d’avril que le pic de température est observé pour la zone de Conakry.

Pour donner une explication à ce phénomène, nous nous basons sur la variation spatio-temporelle de la température. L’analyse spatiale nous montre que cette chaleur est beaucoup plus ressentie à Conakry par rapport au reste du pays. Pour la variation annuelle, les résultats d’une de mes recherches (Loua et al., https://doi.org/10.3390/cli7070093) ont déjà confirmé qu’à Conakry, en moyenne climatologique, la variation annuelle de la température moyenne montre un cycle annuel et semi-annuel avec deux pics qui apparaissent en avril et en novembre mais celui d’avril est plus élevé.

Ces mêmes résultats montrent que la variation inter annuelle de la température à Conakry est en hausse avec des épisodes de réchauffement remarquables qui correspondent aux années 1970, 1980, 1984, 2005, 2010 et 2016. La hausse exceptionnelle de la température à Conakry de 1998 semble être attribuée en grande partie à l’important événement d’El Niño de 1997-1998, qui est à l’origine du réchauffement global planétaire de 1998.

Comment s’explique cet accès de chaleur ?

Pour expliquer le cas de cette année 2023, il faut noter que Conakry a un microclimat particulier qui est caractérisé par l’effet de côte, la topographie, .… Conakry est allongée dans l’océan, sachant bien que l’océan est naturellement chaud. C’est pour cette raison qu’il fait chaud à Conakry même quand il pleut. Durant la journée, il va se produire une forte évaporation sous l’effet de rayonnement solaire qui arrive presque perpendiculairement à la surface terrestre (eau, sol, végétation,…). Dans l’après-midi, une masse nuageuse humide va se déplacer vers le continent, donc va affronter la chaîne de montagne du Kakoulima. Cette masse d’air va subir une ascendance pour entamer le processus de formation de nuages. Et c’est ce processus régi par des changements d’État physique qui fait dégager de la forte chaleur que nous ressentons en surface. Normalement, si ce processus aboutit, une pluie devrait suivre pour rafraîchir la surface terrestre. Mais si le processus n’aboutit pas (le cas actuel) ou si c’est juste une petite quantité de pluie qui tombe, la surface terrestre ne sera pas suffisamment refroidie. Par contre, cela peut amplifier la chaleur. A Conakry il y a eu juste 11, 6 mm de pluie enregistrées pour le moment au titre de l’année 2023 pendant, que d’autres régions du pays continuent à être bien arrosées.

Si nous comparons cette évolution à celle de l’année dernière, nous avons constaté que cette année, il a fait plus chaud en avril avec une valeur journalière maxi de 35,9 °C enregistrée le 23 avril par rapport à 2022 où le thermomètre a enregistré le 25 avril 2022, une valeur de 24,2°C à Conakry. En plus, notre station maritime nous a révélé une hausse remarquable de la température de l’eau de mer au Port de Conakry depuis le début du mois d’avril 2023. Tous ces facteurs confirment la hausse de température qui occasionne en grande partie cette forte chaleur. Cette hausse de la température de la surface de la mer peut être aussi une conséquence d’un événement d’El Niño. Mais nous poussons nos analyses pour avoir une idée claire sur cet élément en fin d’année.

Que devrait-on faire pour stopper cette spirale ?

Retenons que la température à Conakry va continuer à augmenter légèrement jusqu’en fin avril avant de commencer à baisser et cette baisse sera suivie par une bonne reprise des pluies en mai-juin.

Au-delà le phénomène de changement climatique, comment se manifeste-t-il dans notre pays ? Quels sont les signes par lesquels il se traduit ?

Dans notre pays, le changement climatique se manifeste par une hausse de température avec des indices différents dans nos régions. Il y a également la perturbation du régime pluviométrique (le début, la duré et la fin de la saison des pluies, des épisodes de sécheresse, des feux de brousse, de nombre de jours et de nuits chauds…), une augmentation de la température de l’eau de mer, l’érosion côtière, la disparition de cours d’eau, etc.

Quels sont les facteurs internes à notre pays qui participent à ce phénomène de changement climatique ?

Comme facteurs internes contribuant au changement climatique, il y a globalement l’effet anthropique, mais les pays du Sud comme la Guinée ne sont pas les principaux responsables de ce changement climatique d’origine anthropique qui est déclenché depuis l’ère industrielle.

Quelles initiatives la Guinée prend-elle pour tenter de juguler le phénomène ?

Face à cette situation de chaleur à Conakry, chacun se pose la question sur ce qu’il faut faire pour stopper, non, le changement climatique est une réalité et est en cours, on doit envisager des stratégies d’atténuation et d’adaptation dans tous les domaines. Par exemple, c’est le médecin qui sait déjà dans quelle condition il faut garder tel ou tel malade avec une telle chaleur. Nous, nous donnons nos prévisions aux avions, aux navires et à tous les usagers, chacun utilise nos produits selon le besoin.

Mais ce que je peux dire en tant que Directeur de la Météorologie et spécialiste du domaine, intégrons le changement climatique dans tout ce que nous faisons le jour au jour, dans tous les projets, reboisons nos vielles, reboisons les bordures de nos voiries urbaines, créons des espaces humides pour diminuer les îlots de chaleur dans nos villes.

Mieux vaut prévenir que guérir, donc, il est très utile et important de doter la météorologie des moyens nécessaires et des équipements modernes et suffisant pour augmenter et améliorer sa capacité d’alerter dans le délais la population sur les phénomènes météorologiques extrêmes et des risques naturels qui continuent de faire des dégâts à travers notre planète. Aucun pays du monde ne peut se développer sans l’apport de la science.

Propos recueillis par Boubacar Sanso Barry

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