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ISSAKA SOUARE : « Certaines sanctions de la CEDEAO sont prématurées (…) mais il faut éviter la confrontation »

A l’issue de son sommet extraordinaire du jeudi 16 septembre dernier, la conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO a exigé de la junte du CNRD le retour à l’ordre constitutionnel au bout de six. Exigence elle-même assortie de sanctions ciblées contre le colonel Mamady Doumbouya et ses camarades. Ce à quoi les nouvelles autorités guinéennes rétorquent que c’est plutôt au « peuple souverain de Guinée de décider de son destin » et surtout qu’elles « ne céderont à aucune pression ». En somme, un bras-de-fer est manifestement en gestation entre d’une part, la communauté internationale, et de l’autre, le CNRD. Il se trouve pourtant que cette option n’est pas viable. C’est en tout cas ce que nous dit dans cet entretien exclusif que Dr. Issaka K. Souaré a accordé à la rédaction du Djely. Consultant/expert international sur les questions de paix, de médiation et de gouvernance, il admet certes le caractère prématuré de certaines sanctions que vient de prononcer la CEDEAO. De même, il estime que le délai exigé par l’instance sous-régionale pour le retour à l’ordre constitutionnel est n’est pas réaliste. Mais l’auteur des ouvrages : ‘’ Guerres civiles et coups d’Etat en Afrique de l’ouest’’ (L’Harmattan, 2007) et ‘’Les partis politiques de l’opposition en Afrique : la quête du pouvoir’’ (Presses de l’Université de Montréal, avril 2017), propose que la junte fasse preuve de lucidité dans sa réaction vis-à-vis de la communauté internationale. Il lui suggère surtout de se méfier des conseils trompeurs des démagogues.  

Quelle est votre appréciation des sanctions que la CEDEAO a infligées à la junte guinéenne à l’issue de son sommet du 17 septembre à Accra ?

J’avoue que j’étais un peu surpris que la CEDEAO sorte du langage du premier communiqué en fixant un délai de 6 mois mais aussi qu’on décide de prendre à ce stade là des sanctions ciblées. Je comprends la logique de ces sanctions. C’est qu’ils veulent une transition de courte durée, parce que selon les instruments de la CEDEAO, les gouvernements doivent être issus des urnes. Lorsque que tel n’est pas le cas, ils exigent le rétablissement de l’ordre constitutionnel. Mais je pense que le délai qu’ils ont préconisé est serré et certaines sanctions qu’ils ont prononcées sont à mon avis prématurées, surtout celles allant dans le sens du gel des avoir ou d’interdiction de voyage, à ce stade-là. Je sais qu’il y’a une batterie de sanctions mais qui sont déployées suivant des étapes. Il y’a des déclencheurs pour décider de quel type de sanctions engager et prononcer. Déjà, la suspension est automatique. Dès qu’il y’a la prise du pouvoir par les militaires, la CEDEAO suspend automatiquement le pays dans lequel est intervenu ce changement de ces instances décisionnelles. Les autres sanctions sont déclenchées par l’attitude des autorités par exemple la non coopération, ce qui ne me semble pas pour le moment être le cas pour les membres du CNRD.

Alors, que vous inspirent les réactions du CNRD ?

Officiellement, je n’ai pas vu le communiqué du CNRD à la suite de ces sanctions. Mais j’entends beaucoup de critiques à l’égard de la CEDEAO. Je comprends ce sentiment là, mais il faut être très prudent. Il ne faut pas engager un bras de fer vis-à-vis de la communauté internationale. Il ne faut pas voir que la CEDEAO. Sur les questions de la prise du pouvoir par les militaires, la CEDEAO a un commun des principes avec d’autres organisations, d’autres entités plus puissantes en dehors du continent. Les Etats-Unis, avec ou sans les sanctions de la CEDEAO, suspendent certaines lignes de leur coopération avec les États où sont intervenus des événements comme ce que nous venons de vivre dans notre pays. Donc, il faut vraiment éviter une confrontation. Ce que le CNRD peut faire est de très rapidement élaborer une feuille de route avec un chronogramme clair et un contenu bien précis et présenter cela à la CEDEAO pour lui faire part de la façon dont le CNRD souhaiterait procéder. Parce que dans le chronogramme des élections, il y’a des délais qui sont incompressibles et il y’a certains qui sont des délais techniques, c’est-à-dire compressibles. Bref, il y a un délai minimum. Dans cette feuille de route, montrer avec preuve à l’appui d’une part, les choses pertinentes que nous pensons que nous devons entreprendre pendant la transition et d’autre part, le temps nécessaire que nous estimons pour cela. Suite à cela, il y aura un terrain d’entente. Il ne faudrait pas laisser ça de côté et s’engager dans une confrontation qui n’est bonne ni pour le CNRD, ni pour le pays. Parfois, des démagogues peuvent les pousser à la confrontation. Il faut s’en méfier.

Quels sont les risques pouvant résulter d’un bras de fer entre la Guinée et la communauté internationale ?

Ça peut être un isolement. Je le disais tantôt, il ne faut pas voir que la CEDEAO. Il faut plutôt la voir comme composante de la communauté internationale qui partage avec d’autres membres de cette communauté internationale un certain nombre de principes. Ils peuvent faillir sur la mise en œuvre de certains principes mais cela ne nous dédouane pas de l’emprise et des implications d’autres principes. Et si on peut reprocher la CEDEAO de n’avoir pas fait suffisamment avant cette transition-là, on ne peut pas reprocher çà à l’ensemble des acteurs de la communauté internationale (les Etats-Unis, l’Union européenne). Ces acteurs-là ont des principes contre la situation actuelle. Il faut donc éviter de s’engager dans un bras de fer contre la communauté internationale.

De quelle marge de manœuvre la CEDEAO dispose-t-elle face à la junte en Guinée ?

Je le répète, la CEDEAO fait partie d’un ensemble qu’on appelle communauté internationale et il y’a des synergies, des principes de complémentarité, de subsidiarité entre les différents acteurs de la communauté internationale. Il y’a des gens qui font la comparaison entre la Guinée et le Mali. Par exemple en 2012, le Mali a été frappé plus durement que la Guinée peut l’être. Sauf qu’on peut être frappé ne serait que par l’isolement. Je me souviens en 2013, lorsque que l’Union africaine a suspendu l’Égypte de ses instances. L’Égypte qui est beaucoup plus riche, puissante et connectée. Mais en août 2014, quand les Etats-Unis organisaient le premier sommet USA-Afrique, l’Égypte n’avait pas été convié à cette rencontre-là, parce qu’elle était suspendue de l’Union africaine. S’il y’a un tel bras de fer, il y’a instabilité et des investisseurs peuvent se décourager, alors qu’on a besoin d’eux pour faire les choses que les gens pensent que le CNRD doit faire. Il faut vraiment la sérénité, développer une feuille de route claire et consensuelle sur la base de laquelle négocier avec la CEDEAO en diplomatie pour qu’ils revoient leur copie. Il faut donc éviter que des démagogues poussent les membres du CNRD à l’erreur, parce que c’est la junte qui va être visée et non ces démagogues. Et lorsque le CNRD se retrouvera dos-à-dos avec certains acteurs politiques du pays, il peut y avoir des affrontements au niveau national. Et si cela s’ajoute aux affrontements avec la communauté internationale, ce sera un cocktail. Il faut donc proposer, parce que c’est délai contre délai.  Concrètement, leur dire : ‘’vous avez proposé 6 mois et voici notre proposition, parce que le contenu et les tâches que nous nous assignons pour la transition ne peuvent pas être accomplis en 6 mois’’. Donc, il faut avoir un contenu raisonnable, ne pas déborder parce qu’il y a des choses qu’il est difficile dans un régime de transition. On est certes un État souverain, mais c’est souverainement qu’on a décidé d’appartenir à la CEDEAO. Donc, on ne peut nous soustraire des engagements qui sont les nôtres de par notre appartenance à cette organisation.

Propos recueillis par Mariama Ciré Diallo

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