Depuis le 18 août 2020, l’épidémie de coup d’État qui a commencé au Mali s’est propagée en Afrique de l’Ouest, et maintenant à l’Afrique Centrale. C’est un retour incroyable vers le passé, les années 70 et 80 durant lesquelles 40 coups réussis sur 81 tentés, selon les données du chercheur Jonathan Powel et où les militaires rivalisaient pour mettre fin au système de parti unique qui avait pris racine sur le continent.
L’Afrique a embrassé ou plutôt s’est vue contrainte d’adopter le système démocratique en échange d’aide internationale pour conjurer les effets pervers sur le développement socio-économique à la suite de la conférence de La Baule. Il n’y a pas lieu d’épiloguer sur la fameuse politique monétaire d’ajustement structurel des institutions de Breton Wood qui en a suivi, avec notamment pour conséquence, l’impuissance des autorités politiques issues des premières élections multipartites à faire face à la demande des populations.
Une observation relève toutefois de l’évidence. Tous les coups d’État sont localisés dans l’espace francophone, mettant ainsi en évidence le fossé abyssal qui s’est installé entre la partie anglophone et celle de tous les maux, francophone.
C’est toute l’architecture politico-institutionnelle de l’Afrique francophone qui est à plat. La situation devient inquiétante. Plus aucun dirigeant n’est à l’abri en Afrique de l’Ouest et Centrale. L’inquiétude grandit dans les palais, de Brazzaville à Lomé en passant par Yaoundé, de Dakar à Abidjan en passant par Bissau.
Ces coups d’Etat misent en œuvre par des officiers à la tête d’unités de forces spéciales ou des gardes prétoriennes des régimes, le modus operandi est bien rodé : prise du palais ou de la résidence présidentielle, annonce à la télévision d’État de la mise en place d’un conseil de transition, mobilisation de soutiens populaires qui n’attendent généralement que ça, en raison du peu de crédit des classes politiques, soutien de (pseudo ou vrais) panafricanistes et concertation avec l’opposition dont certains leaders espèrent tirer les marrons du feu. A tort bien sûr. La situation politique aujourd’hui en Guinée et au Mali, avec un réveil assez cauchemardesque pour les responsables politiques, en est d’ailleurs l’illustration. Car on le sait, les putschistes ne roulent que pour eux-mêmes et pour personne d’autre.
Et la communauté internationale, souvent dans ces conditions, se retrouve dans l’incapacité de réagir, parce que mise devant le fait accompli. L’Union Africaine, les organisations sous-régionales, les grandes puissances et les Nations unies vont condamner les coups d’État, imposer des sanctions à leurs auteurs, demander aux putschistes de préserver l’intégrité physique des personnes arrêtées et sommer les militaires d’organiser rapidement le retour à l’ordre constitutionnel. En réalité, la communauté internationale au premier rang les organisations sous-régionales, du fait de la subsidiarité, finissent toujours par accepter la théorie du fait accompli.
Les coups d’État peuvent avoir de multiples raisons les unes plus crédibles que les autres. Mais une question fondamentale demeure : en tant qu’Africains, devrons-nous nous résoudre à cette instabilité politico-institutionnelle croissante sur le continent, qui fait l’impasse sur les préoccupations de nos populations ?
A chacun de trouver la réponse..
Alexandre Naïny Bérété